Vendredi 12 février 2021 avaient lieu les victoires de la musique 2021. A cette occasion l’artiste Yseult a reçu le prix de la révélation féminine de l’année. C’est une artiste que j’aime beaucoup et autant dire que j’étais très heureuse qu’elle ait gagné, surtout que j’avais voté pour elle ! En plus de ça elle a fait une prestation magnifique de sa chanson « Corps ».
Dans cette chanson extraite de l’EP « Noir », Yseult nous livre à quel point il est difficile de s’accepter et d’accepter son corps. Sur le plateau des victoires de la musique, des personnes de couleurs, de tailles, de corpulences et d’expressions de genre différents ont entouré la chanteuse. L’arrangement avec des battements de tambours similaires à des battements de cœur m’ont donné des frissons… C’était très beau à voir et ça m’a fait très plaisir surtout qu’on ne voit pas souvent de tels corps à la télévision ou dans les médias traditionnels.
Yseult elle, était vêtue d’une combinaison transparente et je dois avouer au début que je me suis sentie un peu mal à l’aise. Pas avec sa nudité mais parce que je me suis dit qu’après Aya Nakamura, qui a encore montré un côté d’elle assez sexy, on avait encore le droit à la prestation sexy d’une autre femme noire. Je ne suis pas contre les prestations sexy, chacun fait comme il veut mais c’est bien d’avoir d’autres « types » de représentations de la femme noire.
Et justement c’est là que je me suis trompée. Sa combinaison n’avait aucune connotation sexuelle. En effet, Yseult a une relation assez complexe avec son corps comme beaucoup de femmes je pense. En plus en tant que femme noire et grosse, la société met encore plus à mal cette relation avec son corps. Sa combinaison loin d’être une manière de dire « regardez-moi je suis sexy » était en fait un moyen de crier « regardez-moi, regardez mon corps, gros et noir ; il existe, il ne doit pas nécessairement être caché parce que vous ne l’acceptez pas. Moi je l’accepte et j’en suis fière !»
Bon j’ai peut-être rajouté des trucs à ma sauce mais en gros je pense que vous avez compris le message. Et ce message est non seulement renforcé par tous les autres corps qui l’entouraient mais également par son clip où on la voit nue. Dans ce clip, pas de danse sexy, pas de sous-entendu. Son corps est là, elle est là et elle chante avec et pour son corps. Si ça avait été une de ses chansons plus sensuelles comme « Rouge » ou « BB », la nudité aurait eu un sens tout autre. Mais bon, si je continue je vais commencer à parler du fait que le corps de la femme est automatiquement vu comme un objet et plus particulièrement un objet sexuel. Je ne ferai pas ce débat aujourd’hui mais peut-être plus tard, on ne sait jamais.
Comme je l’ai dit plus tôt, Yseult a reçu une récompense, et qui dit récompense dit discours. A cette occasion et comme à chaque fois qu’elle prend la parole l’artiste n’hésite pas à rappeler ses combats contre le sexisme, la misogynie, le racisme et la grossophobie.
« Le chemin est long en tant que femme noire, en tant que femme grosse, en tant que femme. »
Et la Yseult introduit a beaucoup de personnes le concept d’intersectionnalité. Quel est ce mot ? Et bien il désigne « la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société ». En gros, c’est quand tu as la chance de subir plusieurs formes de discriminations. Et ça Yseult elle les cumule, mais elle ne se laisse pas abattre même si comme elle le dit, elle est rongée par la colère. Dans l’ensemble, je suis assez d’accord avec Yseult, les femmes, les noirs, les gros et les femmes noires grosses sont invisibilisés en général. Et quand il y a une quelconque forme de représentation de ces « minorités », elle est assez caricaturale et continue de répandre des préjugés. Ça s’améliore petit à petit mais il y a encore du chemin à faire.
En ce qui concerne la colère je ne sais pas quoi en penser. Personnellement j’ai vécu pendant longtemps dans un environnement « blanc » et j’ai donc pendant longtemps joué à la « bonne noire », c’est-à-dire une personne noire qui rentre dans les clous de la société occidentale dans laquelle elle est pour ne pas se faire rejeter. Pour être honnête je le fais encore aujourd’hui malheureusement… J’en parlerai plus dans un prochain article. Malgré tous ces efforts j’ai quand même subit mon lot de racisme, explicite et très très implicite. Pour le sexisme et la misogynie, oui j’en ai subit et parfois je ne m’en rend compte que bien plus tard… Des 2 formes de discriminations j’en retire parfois une colère en effet. C’est surtout le racisme qui me provoque cette colère mais je pense qu’elle est beaucoup moins virulente ou en tout cas je l’extériorise moins qu’Yseult.
« Notre colère est légitime et j’aimerais que ce soir toute la France l’entende. »
Je me dis justement que j’apprécie Yseult car à travers ses chansons, son art en général et ce qu’elle est et représente, elle exprime ce que je n’arrive pas ou que j’ai du mal à exprimer. D’ailleurs je pense que c’est pour ça que j’ai participé à une version spéciale fans de son clip « Corps ». Enfin bref, beaucoup disent et diront encore qu’elle se victimise lorsqu’elle dénonce ces discriminations, j’ai choisi de ne pas en parler ici et de laisser parler les gens.
Petit ajout de fin d’article, l’artiste Lous and the Yakuza était aussi nommée dans la catégorie révélation de l’année. J’aime beaucoup ce qu’elle fait et j’ai également beaucoup apprécié sa prestation de la chanson « Quatre heures du matin » aux victoires de la musique. Je vous laisse découvrir son album « Gore » promis il n’y a pas de sang dedans.
Enfin qu’on aime ou qu’on déteste, Yseult casse les codes et bouscule l’industrie musicale française mais avant tout, elle passe un fort message d’inclusion. On peut dire que c’est une sorte de pionière ou d’ovni dans un milieu formaté et j’espère que bientôt ce ne sera plus le cas et qu’on verra de plus en plus de personnes qui ressemblent à toutes celles dans le clip juste en dessous!
Les Mondes de Nemo 